L’orientation post-bac, anatomie d’un chaos organisé

Chaque année, c’est le même rituel. Des centaines de milliers de lycéens français se retrouvent face à un choix qui devrait déterminer leur avenir professionnel… à 17 ou 18 ans. Et chaque année, le constat est accablant. 56% des 18-24 ans regrettent leur choix d’orientation. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi ce moment crucial de la vie d’un jeune ressemble-t-il davantage à une loterie kafkaïenne qu’à un parcours éclairé ?

Le paradoxe de l’information, trop mais jamais assez

Premier problème, et non des moindres, l’inflation informationnelle. Entre 25 000 et 30 000 formations sont aujourd’hui disponibles en France, du BTS au master, du public au privé. Une offre pléthorique qui devrait, en théorie, permettre à chaque élève de trouver son chemin. Dans les faits, c’est exactement l’inverse qui se produit.

Face à cette masse d’informations, les lycéens se retrouvent paralysés. Les sites institutionnels comme l’ONISEP ou Parcoursup proposent des catalogues exhaustifs mais froids, des fiches techniques sans âme qui ne disent rien de l’expérience réelle d’un étudiant, de l’ambiance d’une promo, ou des véritables débouchés d’une formation. Résultat ? On choisit souvent par défaut, par proximité géographique, ou sur les conseils approximatifs d’un oncle qui connaît quelqu’un qui a fait ça.

Parcoursup, le monopole qui cristallise toutes les frustrations

Impossible de parler d’orientation sans évoquer Parcoursup, devenu en quelques années le symbole même du dysfonctionnement du système. Cette plateforme unique et obligatoire devait simplifier les démarches. Elle a surtout créé un nouveau stress, celui de l’attente, de l’algorithme opaque, des réponses qui tombent au compte-gouttes pendant des semaines.

Le problème de Parcoursup ne réside pas tant dans son fonctionnement technique que dans ce qu’il révèle, l’absence totale d’accompagnement humain. La plateforme ne conseille pas, ne guide pas, ne rassure pas. Elle se contente d’être un guichet administratif numérisé, laissant les jeunes seuls face à des choix qu’ils ne comprennent pas toujours.

Pire encore, Parcoursup ne résout rien au problème de fond. Comment aider un adolescent à faire des choix éclairés quand il n’a souvent aucune idée de ce qui l’attend réellement dans telle ou telle filière ?

La fracture numérique et sociale, l’orientation à deux vitesses

Derrière le chaos apparent se cache une réalité encore plus cruelle. L’orientation est profondément inégalitaire. Les familles informées, celles qui ont les codes, qui connaissent les bonnes filières et les parcours stratégiques, s’en sortent. Les autres naviguent à vue.

La fracture n’est pas seulement sociale, elle est aussi géographique. Un lycéen parisien aura accès à une multitude de salons, de forums, de réseaux. Un élève d’un lycée rural devra se contenter des brochures et d’internet. Et quand les solutions numériques existent, encore faut-il savoir les utiliser, les décrypter, avoir les moyens de se déplacer pour visiter les établissements.

Cette asymétrie transforme l’orientation en machine à reproduire les inégalités. Ceux qui ont déjà les clés réussissent, les autres tentent leur chance sans filet.

Le mirage de l’IA et des algorithmes

Face à ce constat, de nouvelles plateformes émergent régulièrement, promettant de révolutionner l’orientation grâce à l’intelligence artificielle et à la data science. On vous calcule vos chances d’admission, on vous recommande des formations personnalisées, on vous promet une orientation 2.0.

Mais ces outils, aussi sophistiqués soient-ils, butent tous sur le même écueil. Ils ne peuvent pas remplacer l’accompagnement humain. Un algorithme ne comprendra jamais les doutes d’un adolescent, ses passions enfouies, ses peurs, son besoin d’être rassuré. Un algorithme ne peut pas dire, et si tu essayais ça ? J’ai l’intuition que ça pourrait te correspondre.

De plus, ces modèles mathématiques restent opaques. Comment sont calculées ces chances d’admission ? Sur quelles données ? Avec quelle fiabilité ? La plupart des plateformes elles-mêmes reconnaissent une part d’incertitude dans leurs calculs. Difficile, dans ces conditions, de leur faire aveuglément confiance pour un choix aussi crucial.

L’éternel problème du modèle économique

Autre difficulté structurelle. Comment financer une information de qualité sur l’orientation ? Les plateformes gratuites pour les étudiants doivent bien se rémunérer quelque part. Souvent, c’est auprès des établissements eux-mêmes, qui paient pour améliorer leur visibilité.

Ce modèle crée inévitablement un conflit d’intérêts. Comment garantir la neutralité d’une plateforme quand les écoles qui la financent ont tout intérêt à embellir leur image ? Comment s’assurer que les formations mises en avant le sont pour leur qualité réelle et non pour leur budget marketing ?

Cette confusion entre information objective et publicité déguisée érode la confiance, déjà fragile, des familles dans ces outils.

Le facteur humain, le chaînon manquant

Au cœur du problème se trouve une évidence que le système semble avoir oubliée. L’orientation est avant tout une affaire humaine. Ce dont les lycéens ont besoin, ce n’est pas d’abord de plus de data ou d’algorithmes plus sophistiqués. C’est d’écoute, de temps, d’accompagnement.

Or, les conseillers d’orientation sont débordés, avec parfois plusieurs centaines d’élèves à suivre. Les professeurs principaux font ce qu’ils peuvent, mais manquent souvent eux-mêmes d’informations à jour sur les filières du supérieur. Les parents, quand ils sont présents, projettent parfois leurs propres aspirations ou leurs propres échecs sur leurs enfants.

Résultat. L’orientation se fait dans la précipitation, entre deux cours, dans l’urgence de Parcoursup, sans le temps nécessaire pour mûrir, explorer, se tromper et recommencer.

Une crise qui va au-delà de l’information

Le chaos de l’orientation post-bac n’est pas qu’un problème d’organisation ou de manque d’outils. C’est le symptôme d’une société qui demande à des adolescents de choisir leur vie à un âge où ils sont encore en train de se construire.

C’est aussi le reflet d’un système éducatif qui a multiplié les filières sans toujours penser leur cohérence, d’un marché de l’emploi de plus en plus illisible, et d’institutions publiques qui ont progressivement désinvesti le champ de l’accompagnement au profit de la seule logistique administrative.

Repenser l’orientation, une urgence stratégique

Les initiatives pour améliorer l’orientation se multiplient. Mais tant qu’elles ne s’attaqueront pas aux causes profondes du problème, elles ne feront que mettre des pansements sur une jambe de bois.

Ce dont le système d’orientation a véritablement besoin, ce n’est pas d’une énième plateforme numérique ou d’un algorithme plus performant. C’est de temps, de moyens humains, de droit à l’erreur aussi. Il faudrait pouvoir se réorienter sans perdre une année, explorer plusieurs voies sans être stigmatisé, bénéficier d’un accompagnement personnalisé et régulier tout au long du lycée, pas seulement en terminale dans l’urgence de Parcoursup.

Le chaos de l’orientation post-bac n’est pas une fatalité. C’est un choix politique et budgétaire. Tant qu’on ne le reconnaîtra pas, les lycéens continueront de jouer à la roulette russe avec leur avenir. Et dans dix ans, on fera encore les mêmes constats accablants.

Mentivis accompagne les établissements d’enseignement supérieur, les rectorats, les régions et les acteurs privés de l’éducation dans la refonte de leurs dispositifs d’orientation. Notre méthode repose sur trois piliers. Structurer des parcours d’accompagnement cohérents tout au long du lycée, déployer des solutions pédagogiques et numériques au service de l’humain et non l’inverse, et former les équipes éducatives à de nouvelles pratiques d’accompagnement.

Nous ne croyons pas aux solutions miracles ni aux algorithmes providentiels. Nous croyons à l’alliance de l’expertise métier, de l’intelligence collective et d’outils bien pensés pour redonner du sens et de la sérénité à un moment clé de la vie des jeunes.

L’orientation n’est pas une équation à résoudre. C’est un chemin à construire, pas à pas, avec méthode et bienveillance.

Contactez-nous pour en discuter.

Mentivis accompagne les établissements d’enseignement supérieur, les rectorats, les régions et les acteurs privés de l’éducation dans la refonte de leurs dispositifs d’orientation.

Notre méthode repose sur trois piliers. Structurer des parcours d’accompagnement cohérents tout au long du lycée, déployer des solutions pédagogiques et numériques au service de l’humain et non l’inverse, et former les équipes éducatives à de nouvelles pratiques d’accompagnement.

Nous ne croyons pas aux solutions miracles ni aux algorithmes providentiels. Nous croyons à l’alliance de l’expertise métier, de l’intelligence collective et d’outils bien pensés pour redonner du sens et de la sérénité à un moment clé de la vie des jeunes.

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Roxan Roumégas (PhD) Global Partner, President Strategy