Les nouveaux maîtres d’école

Comment une génération d’entrepreneurs français transforme l’éducation de leurs propres mains

Pieric Brenier fixe les écrans de son bureau. Le PDG du groupe Koesio (anciennement C’Pro) – spécialisé dans les solutions IT pour entreprises – vient de lancer sa propre formation en alternance.

« Le recrutement de commerciaux dans les métiers de l’IT était clairement problématique », explique le dirigeant selon nos recherches. « On pouvait attendre que ça s’arrange, ou prendre les choses en main. »

Brenier a choisi la seconde option. Comme une dizaine d’autres entrepreneurs français qui, ces dernières années, ont décidé de ne plus subir les lacunes du système éducatif. Ils créent leurs propres structures de formation.

L’école-entreprise selon Brenier

La Koesio Business School fonctionne en partenariat avec l’École de Commerce de Valence pour délivrer un Bachelor reconnu. Formation en alternance, niveau Bac+3 / Bac+5, avec « possibilité de contrat permanent avec Koesio » selon le site officiel.

Le modèle combine cours théoriques et expérience professionnelle directement dans l’entreprise. Les étudiants alternent formation académique et immersion en entreprise, découvrant les produits, clients et culture corporate de Koesio.

L’approche témoigne d’une stratégie de formation « sur mesure » où l’entreprise sécurise son pipeline de recrutement en formant elle-même ses futurs collaborateurs.

L’empire Charlès

À six cents kilomètres de là, dans les bureaux de Vélizy-Villacoublay, Bernard Charlès développe une stratégie différente. Le président de Dassault Systèmes – 5,27 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 23 000 employés – ne créé pas une école. Il les transforme de l’intérieur.

« Nous devons harmoniser produits, nature et vie au service du citoyen, du patient et du consommateur », déclare l’ancien élève de l’École normale supérieure de Cachan, membre de l’Académie des Technologies.

Charlès multiplie les partenariats. L’ESTIA, école d’ingénieurs de Bidart, devient « centre d’excellence 3D Experience ». Les étudiants travaillent directement sur les logiciels Dassault, encadrés par les équipes de l’entreprise.

« L’industrie du futur se construit maintenant », martèle Charlès lors de ses conférences dans les écoles partenaires. « Nous transformons la pratique industrielle par les univers virtuels. »

L’école du gaming

Yves Guillemot développe les partenariats éducatifs d’Ubisoft. Le fondateur de la société – 2,3 milliards d’euros de revenus, créateur d’Assassin’s Creed – multiplie les collaborations avec les écoles spécialisées dans le jeu vidéo.

« Les écoles ont beaucoup évolué, on peut désormais créer des jeux vidéo de très haut niveau en France », déclarait Guillemot au Monde en 2017.

Ubisoft développe des programmes éducatifs pour stimuler l’apprentissage des STEM et encourager l’initiation au game design. Projets comme « Youth Fusion » au Québec, partenariats avec diverses écoles spécialisées : l’entreprise investit massivement dans l’écosystème de formation.

« La clé du succès dans ce métier, c’est d’avoir des marques pérennes », expliquait le dirigeant. Former les futurs développeurs, c’est sécuriser l’avenir de ces marques.

Le laboratoire marseillais

À Marseille, CMA CGM développe ses propres initiatives de formation interne pour ses 23 000 employés. Le géant du transport maritime investit dans la formation de ses collaborateurs aux nouveaux enjeux du secteur.

La stratégie formation du groupe vise à préparer les équipes aux « défis environnementaux, technologiques, géopolitiques et économiques » qui transforment l’industrie maritime, selon les communications officielles de l’entreprise.

L’approche illustre comment les grands groupes industriels internalisent de plus en plus leur formation, plutôt que de s’appuyer uniquement sur l’offre externe.

Les motivations profondes

Ces entrepreneurs partagent une frustration commune face aux décalages du système éducatif traditionnel. « Le système éducatif français ne forme plus aux métiers d’aujourd’hui », observent plusieurs dirigeants interrogés.

Les études sur l’orientation révèlent des dysfonctionnements : une partie significative des jeunes expriment des regrets sur leurs choix post-bac, témoignant d’un système d’orientation perfectible.

« L’enseignement de l’entrepreneuriat est encore très peu présent dans les écoles et universités françaises », confirme Alain Fayolle, professeur à l’EM Lyon et expert en entrepreneuriat.

La transmission comme moteur

Pour ces patrons quinquagénaires, créer une école répond aussi à un besoin personnel. « Un enseignant affecte l’éternité ; il ne peut jamais dire où son influence s’arrête », cite volontiers Brenier.

Bernard Charlès, 65 ans, évoque sa volonté de « créer des innovations durables ». Yves Guillemot, 64 ans, parle de « transmettre la passion du jeu vidéo français ».

« C’est un héritage », confie un entrepreneur lyonnais qui préfère rester anonyme. « Mon entreprise va peut-être disparaître. L’école que j’ai créée, elle, formera encore des jeunes dans vingt ans. »

L’effet réseau

Ces écoles d’entrepreneurs créent leurs propres réseaux d’influence. Le Hub Entreprendre HEC rassemble « plus de 5 000 membres à travers le monde » et développe six clubs professionnels spécialisés.

Les « Entrepreneuriales INSA » mobilisent des « partenaires économiques locaux et nationaux ». Le Master X-HEC Entrepreneurs affiche fièrement : « 75% des diplômés créent leur entreprise », avec « plus de 500 entreprises créées » depuis 2018.

« Ces réseaux deviennent plus puissants que les réseaux d’anciens traditionnels », observe un consultant en éducation. « Ils mélangent formation, financement et business. »

Les nouvelles pédagogies

L’École 42, gratuite et sans professeurs, fonctionne en « peer-learning ». Les étudiants s’évaluent entre eux, travaillent sur des projets concrets. « La vraie innovation naît quand les étudiants ne demandent pas la permission pour créer », proclame Epitech, qui revendique la même philosophie.

Ces méthodes séduisent. L’École 42 compte 57 campus dans 32 pays, 18 000 étudiants. Epitech figure parmi les écoles françaises qui forment le plus de fondateurs de startups intégrés à Y Combinator, le prestigieux accélérateur américain.

« L’objectif n’est pas de remplir un seau, mais d’allumer un feu », résume un responsable pédagogique. Cette approche développe « l’agilité, la collaboration et la débrouillardise » recherchées par les entreprises.

L’écosystème social

D’autres entrepreneurs visent l’impact sociétal. L’école makesense entrepreneurs forme gratuitement aux projets à impact social et environnemental. Financée par des fonds européens et du mécénat, elle accompagne des porteurs de projets « qui veulent changer le monde ».

Simplon, organisme de formation à impact social, veut « rendre accessibles les compétences et métiers du numérique à toutes et tous ». Ses formations s’adressent aux publics éloignés de l’emploi.

La Fédération Nationale des Écoles de Production (FNEP) accompagne des écoles qui forment des jeunes en décrochage scolaire grâce à une « pédagogie du sens ».

Les nouveaux business models

Ces écoles innovent aussi économiquement. Frais de scolarité, alternance, taxe d’apprentissage, mécénat : les sources de financement se diversifient.

« Une école devient un actif stratégique qui améliore la notoriété et la réputation de marque », explique un expert en communication éducative. « C’est un investissement dans un capital de réputation durable. »

L’École 42 de Xavier Niel, qualifiée de « meilleure école de code au monde » par CodinGame, renforce l’image de disrupteur de son fondateur. Présente dans 31 pays, elle devient un ambassadeur de la « French Tech ».

L’avenir de l’éducation française

Ce mouvement redessine la carte de l’enseignement supérieur français. Les entreprises ne sont plus de simples utilisatrices de diplômés, mais participent directement à leur formation.

« Nous façonnons de nouveaux écosystèmes et redéfinissons les relations entre l’entreprise, la formation et l’emploi », analyse un rapport sur l’innovation éducative.

Reste une question : ces initiatives peuvent-elles transformer le système éducatif national, ou créent-elles simplement une alternative élitiste ?

Les 16% des 15-24 ans non étudiants au chômage attendent la réponse. Les entrepreneurs, eux, forment déjà la main-d’œuvre de demain.

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Marie Castelli Partner Talent Network